Par Marie Maurisse jardin. Pour lutter contre la grisaille urbaine, des Suisses plantent des fleurs dans les espaces publics. En toute illégalité.Maurice, Siddhartha et Greg sont des militants d’un nouveau genre. Leur panoplie ne se compose pas de banderoles et de prospectus, mais de truelles et de sacs de terreau. Pour ces citoyens suisses, l’arme fatale est le pétunia, le géranium, ou encore la lavande.«Devant chez moi, il y avait un carré de terre laissé à l’abandon. Tous les matins, je passais devant et je me disais que ce n’était pas beau», explique Siddhartha, 33 ans. Cet habitant de la rue des Echelettes (Lausanne) décide alors de prendre les choses en main.«Un jour, la Migros a fait une distribution d’oignons de tulipe, j’en ai profité pour les planter sur ce terre-plein. Les voisins s’y sont mis aussi. Et aujourd’hui, c’est une véritable oasis de verdure. Nous avons même des tournesols qui vont atteindre les deux mètres.»Sans le savoir, Siddhartha a rejoint la grande famille des guerrilla gardeners. Ces défenseurs de la verdure sont plusieurs milliers dans le monde à opposer les senteurs douces des fleurs à la grisaille du béton. Le mouvement a commencé il y a deux ans sous l’impulsion du Londonien Richard Reynolds.Lassé de ne voir de sa fenêtre que les barres d’immeubles et les canettes vides, ce jeune cadre a décidé de refleurir les rues de sa ville en compagnie d’autres adeptes. De son hobby, Richard a fait un livre* ainsi qu’un site internet très populaire: www.guerrillagardening.org, où les intéressés s’échangent conseils et astuces.*On Guerilla Gardening, Bloomsbury. 256p.Illégalité. Le problème est qu’en Angleterre, ce jardinage sauvage est tout à fait illégal. Cela oblige Richard et ses acolytes à agir la nuit pour éviter de se faire remarquer. Ici, la règle est la même. «Ce type d’activité n’est pas autorisé dès lors que les fleurs sont plantées sur la propriété d’un tiers, notamment sur le domaine public, précise François Bellanger, professeur à l’Université de Genève.Cependant, les risques de sanctions paraissent faibles, à moins qu’il n’y ait des dégâts», ajoute-t-il. Sur le forum suisse du site de Richard Reynolds, un message de Greg le confirme: «Au moment où je faisais ma première plantation, la police est venue me voir. L’agent a dit qu’il n’avait jamais rien vu de tel, mais qu’il n’avait rien contre cette pratique.»L’expérience de Maurice Maggi démontre bien la tolérance des autorités en matière de jardinage sauvage. Depuis près de vingt-cinq ans, ce Zurichois colore des lieux comme la Paradeplatz de pétales de rose, de mauve et de lilas. A propos de ses sorties nocturnes, Maurice développe une vraie théorie.«Il faut bien que quelque chose casse une architecture si austère, a-t-il affirmé à la télévision suisse alémanique. Si, dans un milieu stérile, un bourgeon commence à fleurir, c’est la nature sauvage qui revient. Je vois ça comme un acte subversif.»